RÉAUVILLE



Lacroix : Statistiques du département de la Drôme 1835



RÉAUVILLE



RÉAUVILLE. - Ce village est à 7 kilomètres nord-ouest de Grignan. Il s'y tient une foire le 18 novembre de chaque année. Il existe sur son territoire deux carrières de plâtre qui sont l'objet d'un commerce qui acquiert chaque jour plus d'importance. La commune comprend, outre le village, les hameaux du Fraisse, sur la route départementale de Montélimar à Grignan, de Citelle, dans un vallon sur les confins d'Aleyrac, et de Montjoyer, Mons Jovis, entre Réauville et Allan. La population totale est de 923 individus.
La tour de Mont-Lucet domine les deux bassins du Jabron et du Roubion ; elle est au milieu des bois et sur un fond de rocher qui n'est pas susceptible de culture. Sa position, son isolement et les ruines qui l'entourent indiquent que ce fut un temple dédié à Apollon sous le nom de Lucetius, qu'elle a conservé.
C'est sur le territoire de cette commune qu'on trouve la vaste et riche forêt d'Aiguebelle, Aqua bella, ainsi nommée de la beauté de ses eaux. Il y avait dans cette forêt, avant la révolution, une abbaye de l'ordre de Citeaux, filiation de Morimond, fondée par Saint Bernard lui-même. Le monastère fut bâti en 1137. Le local et les terres qui dépendaient de l'abbaye avaient été donnés pour cette destination, comme on le voit par l'inscription suivante que rapporte l'abbé d'Expilly :
VI kal. julii, anno ab incarnatione Domini
MCXXXVII, dedit Guntardus (Lupi filius),
Dominus Rochoe fortis, locum istum abbatioe
Morimundi ad abbatiam ibidem construendam
in honorem beatoe Marioe.

Le six des calendes de juillet, l'an 1137 de l'incarnation du Seigneur, Gontard (fils de Loup), seigneur de Rochefort, a donné ce lieu à l'abbaye de Morimond, pour y construire une abbaye en l'honneur de la bienheureuse Marie.
Le marbre sur lequel était gravée cette inscription existe encore dans le grand corridor du monastère, mais l'inscription est mutilée et presque entièrement effacée.
L'abbaye fut très importante et très riche dans les premiers temps de sa fondation : on y a compté jusqu'à 400 religieux ; mais ses revenus diminuant, d'abord sous le pape Urbain VI, par la création des commanderies perpétuelles, et plus tard sous Henri III, par les taxes de guerre excessives qui lui furent imposées, le nombre des religieux diminua.
Les bâtimens et les terres ayant été cédés de nos jours à la légion-d'honneur, ils ont été vendus par la caisse d'amortissement, mais la forêt est restée une propriété domaniale.
Des religieux de la Trape ont acquis une partie des bâtimens, et s'y sont établis en 1816.
C'est une solitude imposante. De belles eaux circulent dans le vallon et dans les bâtimens du monastère. La maison est propre et bien entretenue. Les cénobites chargés de recevoir les étrangers s'en acquittent avec politesse ; ils se plaisent à faire voir leur habitation dans tous ses détails. Mais ce silence éternel, ces insignifiantes et rigoureuses pratiques, cette austérité meurtrière que s'impose le trapiste, contristent l'ame, parce qu'elles n'appartiennent qu'à une exaltation insensée. Comme les trapistes ne parlent pas même entre eux, et que tout nom de famille est proscrit du monastère, ils ne se connaissent point. On distingue le grabat ou plutôt la planche sur laquelle ils couchent par des noms de baptême ou des noms adoptés ; la plupart même ne se connaissent que par de simples numéros. Le supérieur a seul le secret de toutes ces existences ; aussi lui serait-il fort aisé de soustraire de grands coupables à l'action de la justice civile.
Les religieux sont ordinairement au nombre de 100 à 125, et malgré l'influence favorable d'un beau climat, il y en a toujours un quart de malades, tant le régime est mauvais et contre nature.

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